La rue Camino del Rio grimpe dans les montagnes de Santa Inez. Au loin, vue sur le Pacifique et les îles du canal de Santa Barbara.

Une maison à faire rêver. Une style très californien, bien sûr.

Une maison à faire rêver. Une style très californien, bien sûr.

La piscine est celle d'origine. Elle est la seule chose qui ait survécu à l'incendie de 1990.

La piscine est celle d'origine. Elle est la seule chose qui ait survécu à l'incendie de 1990.

Vieillir

Ce matin, je me suis réveillée et j’ai tout de suite remarqué qu’il y avait du mouvement sur le bureau adjacent. Comme je n’avais pas encore mis mes lentilles cornéennes, je ne pouvais trop être certaine de ce qui fourmillait ainsi sur la surface. Je ne suis donc approchée pour constater que justement, il y avait une invasion de fourmis dans ma chambre.

Par temps sec, les fourmis recherchent l’humidité. Comme c’est souvent très sec en Californie, elles essaient constamment de s’infiltrer dans les maisons. Mes parents californiens ont si souvent appelé Harry l’exterminateur au fil des ans, qu’il est devenu un ami de la famille.

Je suis venue en Californie pour des petites vacances et parce que j’adore Santa Barbara. Mais je suis surtout ici parce que mes parents de Californie vieillissent et je ne sais jamais quand j’aurai la chance de les revoir tous les deux vivants.

Mom et Dad sont mariés depuis 55 ans. Elle est allemande, il est californien. Elle s’énerve rapidement et fait souvent des scènes. Il a un merveilleux sens de l’humour et reste toujours calme. Lorsqu’ils se sont rencontrés, sa famille à elle était en Allemagne, lui était sans famille. Ensemble, ils ont fondé leur famille, se sont entourés d’amis et se sont construits une belle vie. Il est parti de rien et a bâti son entreprise. Elle l’a toujours suivi et soutenu. Ils ont beaucoup voyagé… En fait, ils ont fait le tour du monde et plus d’une fois.  Ce sont des gens intelligents, cultivés, des travaillants, des généreux. Ensemble, ils ont traversé des tempêtes et pris de durs coups.

Le pire coup dur est arrivé il y a environ 6 ans. Dad a eu un grave accident alors qu’il faisait une randonnée dans l’Himalaya. Fractures multiples à la jambe et à la hanche.

Depuis, leur vie a changé. Depuis, ils vieillissent plus rapidement.

Dad ne peut se déplacer sans cannes ni marchette et mange comme un petit oiseau. Il ne pourra bientôt plus conduire. Mom marche très lentement et n’entend pas bien. Il faut répéter souvent. Il y a aussi la collection impressionnante de bouteilles de pilules alignées sur le comptoir. La veille de mon arrivée, Dad est tombé sur le trottoir en ville ; il a des côtes fêlées et 9 points de suture au bras.

Ils ont 83 et 84 ans. Mais ils s’habillent toujours chic pour sortir en ville ou même pour le souper à la maison. Ils invitent encore des gens à aller les visiter. Leurs filles vivent toutes très loin. Mais ils ont leur maison, leur quotidien. Et ils ont leur cercle d’amis.

Il y a les amis de longue date évidemment, mais aussi ceux qui sont là pour les aider quand un pépin surgit. Ils les paient, bien sûr, mais ils sont devenus des amis. Ils appellent Harry donc pour s’occuper des fourmis. Leur ami chinois pour les menus travaux de peinture, de menuiserie et de plomberie. Pedro, le jardinier, vient s’occuper du terrain. Et il y a leur femme de ménage, qui ne dit pas un seul mot d’anglais, mais qui leur donne des petites attentions depuis plus de 20 ans. Et si Dad a besoin de soins, il y a l’épouse de Harry qui est infirmière et qui a beaucoup de contacts.

Cette semaine, ils avaient Véronique et Élaine pour leur donner un petit coup de main. Nous allons chercher les journaux de Dad chaque matin et les mettons près de sa chaise pour qu’il puisse les lire tranquillement. Nous faisons des repas et des courses pour eux. Des petites choses futiles me direz-vous. Mais ce sont les petites attentions qu’on porte aux roses qui font que les roses se sentent si importantes.

Mom et Dad avec Véronique. C'est Véro et moi qui avions fait le souper ce soir-là.

Mom et Dad avec Véronique. C'est Véro et moi qui avions fait le souper ce soir-là.

L'autre versant de la montagne

En empruntant le col San Marcos pour traverser les montagnes de Santa Inez, on a une superbe vue sur la ville de Santa Barbara, l'océan Pacifique et les îles au loin.

En empruntant le col San Marcos pour traverser les montagnes de Santa Inez, on a une superbe vue sur la ville de Santa Barbara, l'océan Pacifique et les îles au loin.

Aujourd’hui, il fait très chaud. Une chaleur sèche. Le ciel est d’un bleu pur, sans aucun nuage et le soleil brille sans répit. Il y a un bon vent, mais son souffle est chaud et peu rafraichissant. De bon matin, je vais au jardin pour cueillir des oranges. Le panier de Dad est vide et il ne peut pas nous faire du bon jus d’oranges pressées. Je ne maîtrise pas la technique pour décrocher les oranges tout en haut de l’arbre, mais je réussis quand même à remplir le panier.

J’avais promis à Véronique que nous irions passer quelques heures à Solvang pendant notre séjour en Californie. Comme nous quittons Santa Barbara demain pour retourner à Los Angeles, il fallait faire le voyage aujourd’hui.

Ce n’est pas tout à fait la bonne journée pour aller dans la vallée aujourd’hui. Il fera trop chaud. C’est une journée idéale pour aller à la plage. Mais chose promise étant chose due, nous prenons la route dès 9 heures.

Solvang est un joli petit village danois dans la vallée de Santa Inez, de l’autre côté des montagnes.  Pour s’y rendre, il faut emprunter la route 154 et le col San Marcos. On grimpe pendant près de 20 minutes et on ne peut faire autrement qu’arrêter à l’occasion pour admirer la vue sur la ville de Santa Barbara, l’océan et les îles de Santa Cruz, Santa Rosa et San Miguel au loin. C’est dans ces montagnes que les Reagan avaient leur ranch. C’est aussi dans cette région que Michael Jackson avait son domaine Neverland.

Nous atteignons le sommet et aussitôt amorçons notre descente vers la vallée. De l’autre côté, le paysage est tout à fait différent. On se croirait dans un film western avec les montagnes, les champs d'herbe jaunie et les arbres éparpillés. C’est encore plus sec et plus chaud. Il n’y a pas le vent de la mer ni l’humidité du brouillard ici.  

Solvang est un village adorable, sorti tout droit des contes d’Andersen. Il y a des moulins à vent, des clochers avec des horloges, des boutiques originales et même une fontaine avec la petite sirène. Il y a véritablement une communauté d'origine danoise qui vit ici. Les trottoirs sont à l’ombre donc on ne souffre pas trop de la chaleur. Nous entrons dans quelques jolis magasins, nous dînons sur une terrasse, nous profitons du beau temps. Puis nous reprenons la route jusqu’à Santa Barbara où nous plongerons dans la piscine pour nous rafraîchir. C’est notre dernier soir avec les Uphoff. Nous sentons déjà une certaine nostalgie. Les vacances achèvent. Demain, nous faisons les bagages et reprenons la 101 en direction sud.

Le petit village danois de Solvang, à une quarantaine de minutes de Santa Barbara, de l'autre côté des montagnes de Santa Inez.

Le petit village danois de Solvang, à une quarantaine de minutes de Santa Barbara, de l'autre côté des montagnes de Santa Inez.

Dans la vallée de Santa Inez, de l'autre côté des montagnes, le climat est plus chaud et plus sec. On y trouve le lac Cachuma dont le niveau d'eau baisse année après année.

Dans la vallée de Santa Inez, de l'autre côté des montagnes, le climat est plus chaud et plus sec. On y trouve le lac Cachuma dont le niveau d'eau baisse année après année.

Les Au revoirs

Je n’ai jamais aimé les départs. Si je regarde un film et qu’il y a une scène où des gens se quittent, j’ai aussitôt la larme à l’œil, ce qui fait bien rire mes deux grands ados.

Tôt ce matin, j’ai rapidement fait les bagages pour ne pas avoir à m’en préoccuper par la suite. Au petit déjeuner, nous avons parlé de tout et de rien comme si nous voulions éviter le sujet du départ. Puis Mom a sorti son Livre des invités. C’est une tradition chez les Uphoff : ils demandent aux invités qui ont passé quelques jours sous leur toit d’écrire un mot dans le fameux «Guests book».  Mom y collera ensuite une photo qui représente le séjour des invités en question. C’est comme le livre d’or de la maison. Véronique et moi devons donc réfléchir à ce que nous allons écrire cette fois-ci. Nous prenons quelques minutes pour lire ce que nous avions noté en 2012, en 2009, en 2007… Véronique rit en voyant la photo sur laquelle elle a 7 ans. Je remonte dans le temps. Je retrouve le texte que je leur avais écrit en 1982 à la fin de mon année chez eux.

Quelle belle tradition !  Évidemment, les Uphoff reçoivent régulièrement des visiteurs et de partout : d’Allemagne bien sûr, d’autres coins d’Europe, de la Californie du nord, de l’Australie…  Une chose est certaine : quand Mom sort son «Guests book», c’est que le moment du départ approche.

Un dernier saut dans la piscine pour se rafraîchir avant le voyage. Mom nous remet un sac rempli de provisions, pour la route. Je mets les valises dans le coffre. Mom et Dad s’approchent et ils nous serrent très fort en nous remerciant d’être allées leur rendre visite. Je me fais peut-être des illusions, mais il me semble qu’ils me serrent plus longtemps cette fois-ci. «Tu nous appelles quand tu es arrivée à Los Angeles, puis que tu seras chez toi à Montréal», me disent-ils.

Nous faisons le chemin inverse, vers L.A. Il fait 104 degrés Farenheit dans la vallée de Santa Monica. L’air climatisé et la musique à fond, nous affrontons la circulation de Los Angeles.

Nous retournons la voiture de location, nous nous installons à l’hôtel sur Century Boulevard, à quelques minutes de l’aéroport. Nous appelons Mom et Dad. Ils sont contents. Nous avons la chance de nous dire Au revoir une dernière fois.

Ce soir, Véronique et moi sommes allées souper au restaurant italien Paparazzi. C’était délicieux. Nous avons fêté la fin de nos vacances. Demain, nous serons dans l’avion pour Montréal. Ce n’est qu’un au revoir chère Californie.

Un dernier souper avec mes parents de Californie avant notre départ.

Un dernier souper avec mes parents de Californie avant notre départ.

La rue Camino del Rio grimpe dans les montagnes de Santa Inez. Au loin, vue sur le Pacifique et les îles du canal de Santa Barbara.

Note :

Je faisais un point de revoir ma famille californienne aux deux-trois ans. La dernière fois que j'avais vu Dad, c'était en août 2017. Je devais retourner en Californie en avril 2020, toutefois, à cause de la pandémie, j'ai dû renoncer à ce voyage. C'est mon plus grand regret.
Le 25 février 2021, Robert Uphoff, mon «père» califonien est décédé, à l'âge de 89 ans.


Inge Biehl Uphoff, ma mère californienne, est décédée le 17 septembre 2022 à l'âge de 92 ans, un mois jour pour jour après ma dernière visite en Californie. Heureusement, j'ai eu le bonheur de passer des jours heureux, de discuter, rire, boire du vin et célébrer avec elle, avant son départ. 


Ils vont tous les deux me manquer énormément. Cette section leur est dédiée.

Ventura Highway

Je réfléchissais alors que j’attendais pour monter à bord de l’avion. Combien de fois étais-je allée en Californie depuis que j’y avais mis les pieds pour la première fois en 1981 ?

Je crois que c’est au moins quinze ou seize fois. J’y ai étudié pendant un an bien sûr. Mais j’y suis retournée en moyenne tous les deux ans depuis, parfois pour assister à des mariages, pour souligner des anniversaires importants, pour retrouver des amis, pour présenter Chéri et par la suite, mes enfants. Mais chaque fois, ce sentiment d’excitation et de bonheur me saisit.

Six heures d’avion et nous atterrissons à la ville des Anges, Los Angeles. On voit très bien les montagnes aujourd’hui. Pas de smog, le ciel est d’un bleu pur et le soleil, resplendissant.  Pour se rendre à Santa Barbara, il faut faire encore deux heures de route. Ce n’est pas que c’est si loin, mais la circulation est toujours tellement intense, surtout à Los Angeles, qu’il faut être réaliste.

Je n’aime pas particulièrement L.A., mais c’est tout de même une ville qui me fascine. Elle s’étend sur des kilomètres dans les vallées et les montagnes environnantes, si bien qu’on ne sait jamais au juste quand elle commence et quand elle finit. Par temps clair, la lumière est y est sublime. On voit des maisons, que dis-je, des superbes villas, accrochées à des falaises, défiant la gravité et les risques de tremblement de terre. On voit aussi des quartiers où tout ce qu’il y a de plus bizarre et de plus «kitsch» se côtoie. Et même si on associe souvent Los Angeles au monde des riches et célèbres, elle accueille en fait une société on ne peut plus hétéroclite : c’est la ville du rêve, du soleil, une ville où tout semble possible.

De l’aéroport, j’emprunte d’abord la 405 Nord. Une autoroute à douze voies, ça vous intéresse ? Six dans un sens, six de l’autre, parfois une voie ou deux de plus, car des autoroutes à quatorze voies à L.A., c’est une nécessité. C’est la ville où les automobiles sont reines. Sur les panneaux indicateurs, on voit des noms connus : Santa Monica Boulevard, Sunset Boulevard, Beverly Hills, Hollywood, Mulholland Drive. Puis nous prenons, la 101, qu’on appelle aussi Ventura Highway. Le groupe America avait écrit une chanson sur cette fameuse autoroute dans les années ’70.

La 101 traverse les montagnes de Santa Monica puis la vallée de Camarillo et d’Oxnard jusqu’à la ville de Ventura sur le bord de la mer, puis serpente vers le nord jusqu’à San Francisco. Mais, à mon avis, c’est à partir de Ventura jusqu’à Santa Barbara que la 101 offre le plus beau panomara, digne des grands films hollywoodiens : la route, à quatre voies maintenant, longe l’océan Pacifique, des plages dorées à notre gauche, les montagnes à notre droite, les palmiers, les bougainvilliers en fleurs. On a qu’une seule envie : éteindre la climatisation, baisser les vitres de l’auto et respirer l’air marin en chantant à tue-tête.  C’est ce que je fais.  Le temps est magnifique, tout est parfait.

La Californie  semble me dire «bienvenue chez toi, Élaine».

La Riviera américaine

Bon, je le sais, vous me direz que j’ai un parti pris. C’est vrai, je l’avoue et je l’assume. Quand vient le temps de parler de Santa Barbara, je ne peux pas être impartiale.

Nichée entre les montagnes de Santa Inez et l’océan Pacifique, elle se distingue par son architecture : à la suite d’un tremblement de terre au début du 20e siècle, le conseil de ville a voté une loi exigeant que tout bâtiment érigé à Santa Barbara respecte un certain style colonial espagnol.  On voit donc partout des édifices à toit de tuiles rouges, murs et façades blancs ou écrus, les tuiles en céramique bleue, arches et escaliers en colimaçon. Vous ne trouverez aucune tour moderne à plusieurs étages ici.

La végétation est luxuriante : palmiers, eucalyptus, figuiers, conifères bordent les rues et les boulevards, les jaracandas, les hibiscus, les oiseaux de paradis et les bougainvilliers en fleurs ornent les parcs, les terrains, les clôtures.

La rue principale, State Street sillonne la ville et relie la plage aux montagnes. Il fait bon s’y promener, de visiter ses boutiques et ses restaurants, s’asseoir sur une terrasse pour siroter une boisson. On ne se croirait surtout pas aux États-Unis.

La mer ici joue un rôle important. Elle est omniprésente et on fait tout pour tenter d’en apercevoir un petit coin bleu : les maisons se construisent à flanc de falaises ou sur les sommets des collines et montagnes. C’est grâce au brouillard qu’elle produit que les buissons et les plantes peuvent survivre car cela apporte un peu d’humidité sur la ville. La marina abrite de jolis voiliers et des bateaux luxueux. Les plages sont bordées de pistes cyclables, de trottoirs, de palmiers majestueux. On peut emprunter le quai, aller jusqu’au bout où les pêcheurs aiment taquiner le poisson et admirer la ville dans toute sa splendeur. On appelle Santa Barbara «la Riviera américaine», et pour cause, elle ressemble beaucoup à certaines villes de la Côte d’Azur.

Quant à moi, avant même d’ouvrir les yeux, ce sont les odeurs qui me titillent. Le vent salé de Santa Barbara a un parfum de citron, d’eucalyptus et de mélèze.

Aujourd’hui donc, j’ai redécouvert Santa Barbara avec Véronique. Je lui ai raconté des anecdotes du temps où j’étudiais ici. Nous avons croisé des touristes, beaucoup de touristes. Ils prenaient des photos, s’exclamaient devant le spectacle que leur offrait la ville. J’en ai même entendus qui disaient que Santa Barbara était le plus bel endroit de toute la Californie…Il faut croire que je ne suis pas la seule à avoir un parti pris !

Les plages sont bordées de palmiers, de grands trottoirs et de pistes cyclables.

Les plages sont bordées de palmiers, de grands trottoirs et de pistes cyclables.

Les montagnes, les édifices de style colonial espagnol et la végétation font de Santa Barbara une ville unique.

Les montagnes, les édifices de style colonial espagnol et la végétation font de Santa Barbara une ville unique.

Promenade sur State Street. On retrouve quelques cours intérieures comme celle-ci où on peut visiter des boutiques, prendre un verre ou manger quelques bouchées sur une terrasse.

Promenade sur State Street. On retrouve quelques cours intérieures comme celle-ci où on peut visiter des boutiques, prendre un verre ou manger quelques bouchées sur une terrasse.

Une ballade en ville

Le palais de justice de Santa Barbara est superbe et vaut la peine d'être visité.

Le palais de justice de Santa Barbara est superbe et vaut la peine d'être visité.

Je n’ai rien fais de mal mais je suis tout de même allée au palais de justice de Santa Barbara aujourd’hui. Simplement parce que c’est une œuvre d’art en soi, et qu’il vaut grandement la peine d’être visité. On dit que c’est le plus bel édifice public de toute l’Amérique du Nord et fort heureusement, on ne doit pas avoir à en débattre avec la justice pour pouvoir y mettre les pieds et l’admirer.

Je l’avais visité au mois d’août 1981, quelques jours avant de commencer l’école. Je me rappelle que ce matin là, il y avait eu un tremblement de terre. Pas un gros, seulement 5.3 sur l’échelle Richter, mais tout de même assez important pour me faire mesurer la force de Mère Nature. J’avais aussi amené Chéri le voir dans les années 90. Il était temps que j’y retourne pour que Véronique puisse aussi l’admirer. Nous étions donc au palais de justice juste un peu avant midi. Évidemment, le palais a été construit selon le style de la ville. Nous avons visité la salle d’audience principale dont les 4 murs sont couverts de fresques représentant l’histoire de la ville de Santa Barbara. Nous sommes montées dans la tour d’où nous avions une vue imprenable sur la ville. Nous avons vu le mécanisme de l’horloge et avons entendu le coup de midi. Nous avons vu l’ancienne prison et les jardins qui entourent l’édifice.

À deux coins de rue du palais de justice se trouve le musée des beaux-arts. Il y a, entre autres, une exposition sur les impressionnistes.  Nous décidons donc de passer quelques heures au musée. Des bénévoles nous donnent des explications sur certaines œuvres. Heureusement, car dans la section d’art moderne, il faut parfois faire appel à plus qu’à son imagination pour comprendre le sens de l’œuvre. Au deuxième étage, nous avons vu une belle collection d’objets d’art japonais. Mais ce qui m’impressionne le plus, c’est de voir des tableaux de Degas, Monet, Van Gogh et Renoir, des vrais, les originaux, et non des reproductions bon marché.

Après un léger lunch sur State street, nous nous promenons, visitons quelques boutiques,  puis retournons à la maison. Ce fut une belle sortie en ville. La journée a été bien remplie. Il est temps de relaxer avec un bon verre de vin. 

Le palais de justice vu des jardins.

Le palais de justice vu des jardins.

On peut monter tout en haut de la tour du Palais de justice et de là, on a une vue extraordinaire sur la ville.

On peut monter tout en haut de la tour du Palais de justice et de là, on a une vue extraordinaire sur la ville.

Retour vers le passé

Le théâtre grec de mon high school où on se réunissait les vendredis et où j'ai prononcé un discours devant tous les élèves de l'école à la fin de l'année.

Le théâtre grec de mon high school où on se réunissait les vendredis et où j'ai prononcé un discours devant tous les élèves de l'école à la fin de l'année.

Un retour dans le passé, c’est à la fois intéressant et nostalgique. Après un déjeuner gargantuesque, j’ai décidé d’amener ma fille Véronique visiter le campus du high school que j’ai fréquenté alors que j’étais étudiante ici à Santa Barbara.

Il est difficile pour nos enfants de nous imaginer adolescents, sur les bancs de l’école. Après avoir tant entendu parler de mon année à San Marcos, elle avait envie de voir les lieux.

L’école secondaire «San Marcos High school» a été fondée à la fin des années 50. Les bâtiments qui abritent les salles de cours ont l’air de baraques de l’armée. Comme il fait beau la plupart du temps, il n’y a pas vraiment de corridors qui relient les bâtiments. Du moment qu’on sort de classe, on se retrouve au grand air.

Le campus me semble plus petit qu’il y a 32 ans. Illusion d’optique, tout simplement. La bibliothèque est toujours au même endroit, et le théâtre grec a été repeint dans les couleurs de l’école : le rouge et le bleu royal. J’explique à Véronique que chaque vendredi, tous les élèves et le personnel enseignant se réunissaient dans ce théâtre à ciel ouvert pour encourager les équipes sportives qui allaient disputer des matchs pendant la fin de semaine, pour recevoir les dernières nouvelles, et bien sûr, pour chanter l’hymne national américain.

Un peu plus loin se trouve l’auditorium : dans le hall d’entrée, on y trouve les photos d’anciens élèves qui ont percé dans le monde du spectacle. J’y aperçois Cady Huffman que je connaissais bien qui est aujourd’hui une grande vedette sur Broadway et qui a gagné plusieurs «Tony awards» ; Antony Edwards qui a joué dans des films comme «Top Gun» et la télésérie ER…

Ici, c’était ma classe d’allemand, et là-bas, ma classe d’espagnol. Véronique remarque qu’il n’y avait pas beaucoup de fenêtres dans les classes. Elle a raison. Je ne l’avais jamais remarqué mais maintenant je ne peux qu’être d’accord. Voilà la section des casiers. Ils ne sont pas très grands mais nous n’avions pas à y déposer bottes et manteaux, seulement nos livres.

Nous voyons le bâtiment des arts, là où je chantais avec la chorale de l’école. Puis nous nous rendons sur le terrain de football. Ils ont récemment installé du gazon synthétique. Ce fut un gros investissement mais qui fait du sens puisqu’il ne pleut que très rarement ici et que l’entretien du vrai gazon est un véritable cauchemar.  Le football est une religion dans les écoles américaines. Notre équipe, les Royals, n’était pas très bonne, mais l’atmosphère dans les estrades était magique. J’ai de merveilleux souvenirs des matchs de football.

Nous étions 2200 élèves sur ce campus. Véronique essaie de s’imaginer les lieux grouillant de jeunes âgés de 14 à 18 ans.  Moi, je me souviens. Et tout cela me confirme qu'une école sans élèves est une coquille vide. Ce sont les élèves qui lui donnent une âme, une vie. Sans eux, San Marcos a vraiment l'air d'une série de barraques de l'armée.

Dans l’après-midi, mon amie Mona Kawano est venue me rendre visite. Concours de circonstances, je n’avais pas revue Mona depuis ma graduation de San Marcos. Nous échangeons des souhaits dans le temps des fêtes et nous sommes des amies Facebook, mais chaque fois que je venais à Santa Barbara, nous ne pouvions nous réunir. Aujourd’hui ce fut de belles retrouvailles. Elle a à peine changé. Elle est célibataire et vit à Los Angeles. Elle est comptable et travaille avec huit autres personnes à gérer les finances de la famille May. Elle vient régulièrement à Santa Barbara s’occuper de son père âgé de 89 ans. Nous jasons pendant plus de deux heures sur la terrasse près de la piscine, à nous rappeler des souvenirs, à échanger des nouvelles sur des anciens collègues de classe. Nous nous promettons de ne pas attendre 32 autres années avant de nous revoir.

J’espère bien car je ne sais pas si je serai toujours en mesure de me rappeler autant de souvenirs dans autant d’années !

Une visite au high school que j'ai fréquenté alors que j'étais étudiante à Santa Barbara...

Une visite au high school que j'ai fréquenté alors que j'étais étudiante à Santa Barbara...

Véronique essaie d'imaginer sa mère avec 2200 autres élèves sur le campus de San Marcos.

Véronique essaie d'imaginer sa mère avec 2200 autres élèves sur le campus de San Marcos.

La maison dans la montagne

La maison actuelle des Uphoff, ma famille californienne, est à faire rêver. Ce n’est pas celle dans laquelle j’ai habité alors que j’étais étudiante ici. En fait, il ne reste rien de cette maison à part la piscine. Tout le reste a été détruit dans un feu de broussailles à la fin du mois de juin 1990.

Le terrain est le même bien sûr. La rue Camino del Rio (ou Chemin de la Rivière) est un cul-de-sac qui grimpe de façon assez abrupte dans la montagne pendant près de 2 kilomètres. La propriété des Uphoffs est tout en haut, au bout de la rue. De là, on a une vue incroyable sur la ville et la mer au loin. Contrairement à ce que le nom de la rue indique, il n’y a aucune rivière dans les parages.  S’il y en a eu une, elle est probablement à sec depuis des lunes. Il y a toutefois de superbes maisons. Toutes datent des années 90.

L’incendie de 1990 a été sans merci, brûlant tout en quelques heures sur son passage. Des centaines de résidences détruites, des biens matériels disparus à jamais.

Si la plupart des gens ont entendu parler des risques de tremblements de terre et de tsunamis qui pouvaient détruire la Californie, ce sont les incendies que les gens d’ici redoutent le plus.

La sécheresse sévit depuis des années en Californie du sud. C’était déjà un problème en 1981 alors que j’étudiais ici. Il arrivait, à l’occasion, que nous manquions d’eau. Nous tournions le robinet et rien ! Pas de douche aujourd’hui ! Dans toute l’année, nous avions eu droit à deux journées de pluie. Je m’en souviens parce qu’on avait ajusté l’horaire des cours à l’école pour que tout le monde puisse manger à l’intérieur de la minuscule cafétéria. Par beau temps, tous les élèves mangeaient dehors.

Les lacs s’assèchent, la population continue de croître et la pluie se fait toujours aussi rare. Il y a une usine qui filtre l’eau de mer pour en enlever le sel, mais ce n’est pas concluant. Partout, on affiche que les risques d’incendie sont très élevés. Ça ne prend qu’un imbécile  pour allumer un petit feu de camp et c’est l’enfer. Rien de rassurant.

En 1990, ma famille a eu 10 minutes pour évacuer la maison. Le feu progressait à un rythme fou en raison des vents forts et secs. Que sauve-t-on en 10 minutes ?  Comment réunir tout ce qu’il y a de plus important et de plus précieux, à part sa propre vie, en si peu de temps ?

Hier soir, en revenant du restaurant, il y avait une infime odeur de bois brûlé dans l’air. J’ai vu le regard inquiet de mes parents californiens. Ils sont sortis, ils ont regardé tout autour cherchant une lueur suspecte, un nuage de fumée. Ils ont allumé la télévision pour écouter les nouvelles. Rien à propos d’un feu. Soulagement.

Les gens du quartier louent maintenant des mini-entrepôts à l’autre bout de la ville qu’on dit «à l’épreuve du feu» pour y déposer papiers importants, souvenirs irremplaçables et objets de valeur. C’est la nouvelle mode. Une autre façon pour quelqu’un de faire de l’argent, je suppose. Mais ainsi, la maison du Chemin de la rivière est un endroit où les Uphoff peuvent vieillir avec un peu de quiétude.